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Questions sur la confiance : Paul NadjoDirecteur de Direction Gestion des Carrières de GrDF, membre du Comex chez GrDF.

Ingénieur diplômé de l’Ecole d’Electricité Industrielle de Paris, diplômé de spécialisation de l’Ecole Nationale Supérieure de l’Aéronautique et de l’Espace, Paul Nadjo voit dans la confiance un élément fondamental, au plan sociétal comme au plan personnel. Un repère qui a guidé et dominé sa carrière.
"Une notion proche de celle de performance"


Trust Management Institute : La « confiance », qu’est-ce que cela évoque pour vous ?


Paul Nadjo :
 Le mot confiance évoque la notion de relation. Et cette notion de relation, on la positionne de plusieurs manières. La relation à la personne, la relation à l’environnement, la relation aux êtres, aux choses. Il y a une forme de transmission réciproque qui s’inspire du mot confiance. La notion de confiance a été déterminante dans tout mon parcours.


TMI : Précisément, comment la confiance se traduit-elle dans le cadre de votre activité ?

"Être performant, quand on est compétent, c’est en plus être motivé et confiant dans l’avenir."
PN : La confiance permet d’être vite performant en ayant fait le chemin nécessaire pour comprendre, pour instaurer une compréhension réciproque de ce qu’il faut faire et réduire les degrés d’incertitude. On vit dans un monde où l’incertitude est ce qui nous empêche de progresser. Lorsqu’on avance dans un contexte où on sait où l’on va, où l’on sait les difficultés qu’il faut essayer de franchir, on est déjà un peu plus vers le chemin de la réussite. Et pour ça, la confiance joue un rôle énorme. Ce mot confiance je le rapporte également, dans le cadre de mes activités de management, à la notion de performance. Parce que la performance équivaut –et c’est une formule assez connue- à la compétence multipliée par la motivation. Or la motivation se crée dans un environnement. Peu à peu, on prend confiance dans la relation avec son environnement, dans la relation aux êtres. On se détermine soi-même en se motivant, en se donnant l’envie d’aller plus loin, de réussir. C’est pour ça que être performant, quand on est compétent, c’est en plus être motivé et être confiant dans l’avenir, dans l’environnement, dans l’évolution vers laquelle on souhaite aller.


TMI : La confiance peut-elle être spontanée ? 

"La confiance se cultive, elle se travaille."
PN : Elle peut être intuitive. Mais cette intuition est bien souvent le début d’une élaboration plus longue. On ne peut instaurer une confiance de manière spontanée, aussi intuitive soit elle, sans la cultiver, sans la prolonger par un travail dans lequel, justement, le temps intervient. Toute cette réflexion, toute la confiance va avec une forme de temporalité. Il y a une séparation entre un moment donné où les choses commencent à se réaliser et un autre moment où l’on prend conscience que s’est créé quelque chose de nouveau. Donc la confiance ne peut pas être spontanée. Elle se cultive, elle se travaille, le temps permet de gagner la confiance. Mais pour gagner cette confiance, il faut que les êtres aient établi des canaux de relations qui permettent à cette confiance de faire son chemin. 


TMI : Ressentez-vous un déficit de confiance dans la société française ?

"Une conformité entre ce qui est dit et ce qui est fait"
PN : Je prendrai la question de manière globale, disons plutôt sociétale. Le problème qui se pose traverse toutes les sociétés, qu’elles soient françaises ou d’ailleurs. Gouverner dans une démocratie, passe nécessairement par une relation de confiance «  à priori » entre le dirigeant et le peuple. On retrouve là, l’importance d’être élu, d’être le porte-parole choisi par le peuple. Il appartient à l’élu, à cette autorité à qui on a donné sa voix, son pouvoir, d’entretenir la confiance. .. Donc aujourd’hui, ce manque de confiance vient d’une difficulté liée tout simplement au fait que quelques déceptions ont conduit les gens à se poser des questions. Et c’est vrai pour tous les peuples. Donc il faut que la confiance revienne.


TMI : Justement, si vous étiez face au président de la République, quels conseils pourriez-vous lui donner ?

"Afficher un calendrier"
PN : Ce serait bien prétentieux de ma part de vouloir donner des conseils au Président de la République. Pour répondre cependant à votre question, je dirais qu’il y a deux choses qui me paraissent fondamentales aujourd’hui. La première, c’est réduire le degré d’incertitude des personnes. Les gens vivent dans l’incertitude et il n’y a pas pire qu’une incertitude parce qu’on ne sait pas où on va, on ne sait pas ce qu’on va devenir, on se pose des questions. Donc on n’est plus acteur, on devient passif, on subit. Réduire le degré d’incertitude, cela passe par plusieurs mécanismes : explorer le champ des possibles, faire des choix, expliquer les tenants et les aboutissants, montrer le chemin, prendre des engagements et s’y tenir. Voilà le premier des conseils que j’aurais à donner : réduire le degré d’incertitude. Et puis le second : même s’il y a un programme qui a été annoncé pendant les élections, le moment de l’action nécessite de remettre sur la table et d’afficher un calendrier, d’essayer de rendre ce calendrier acceptable par rapport à ce que chacun vit aujourd’hui et puis le réaliser en étant fidèle à l’engagement qui est pris. On a besoin d’avoir à la fois une vision sur l’avenir mais en même temps cheminer pas à pas avec la réalité. Tout cela va dans le sens de la confiance


TMI : Revenons-en à votre parcours. Sur le plan de la confiance, quel a été votre défi le plus difficile ?

"Pour franchir les barrières, il faut être déterminé (…) et gagner la confiance de la hiérarchie."
PN : D’une façon générale, j’ai souvent souhaité prendre des responsabilités qui ont surpris au début. Et donc à chaque fois, je me fixais le challenge de réussir à franchir cette barrière fictive. Cela surprenait parce qu’en fait, les gens idéalisent le monde dans lequel ils sont. Il y a des projections de toute sorte. Je peux donner des exemples. En tant que jeune ingénieur, je demande à aller diriger une équipe d’ouvriers, des exploitants qui effectuent des travaux de canalisation pour faire passer les tuyaux de gaz ou d’électricité. Prendre la responsabilité d’une équipe opérationnelle au tout début de ma carrière, c’était vraiment ce que j’avais envie de faire. Or ça a surpris. On m’a dit « on vous voit plutôt dans une voie intellectuelle ». Alors on m’a proposé d’aller à la direction de l’équipement, faire les études sur les centrales nucléaires. J’ai refusé. Ensuite on m’a proposé d’aller dans les services études. Et puis en définitive j’ai eu gain de cause, on a fini par m’envoyer remplacer un chef d’équipe qui venait de partir. J’ai eu de la chance. Et au final, ça a été extraordinaire. L’élan a montré que l’hésitation du début n’était pas justifiée. Mais on imaginait que mon parcours me guidait naturellement à faire autre chose que ça. Ce qu’il faut, c’est savoir ce que l’on veut et se donner les moyens d’y arriver Et donc pour franchir les barrières, il faut être déterminé, en restant mesuré bien sûr. J’ai su gagner la confiance de la hiérarchie. 

"La notion de coopération devient un élément fondamental pour pouvoir agir ensemble et réussir."
Tout au long de ma carrière, la question de la confiance a beaucoup joué. Parce que je suis naturellement un homme de relation. J’ai été amené à prendre des responsabilités où la relation de confiance a joué un rôle très important. Par exemple la fonction de chef de cabinet. Être chef de cabinet d’une direction régionale, ça engage à de fortes proximités dans la relation avec le directeur régional. Et c’est naturel. Tout chef de cabinet a, avec le directeur, une relation de proximité de travail qui va jusqu’à une forme de complicité où le non-dit s’écrit. C’est assez extraordinaire. Et donc ça a été un moment important dans mon parcours. Mais il y en a eu d’autres. Et à chaque fois que j’ai passé des barrières importantes, j’ai constaté que les affinités entre ma hiérarchie immédiate et moi ont été des affinités où la confiance s’est instaurée, où l’on n’avait pas besoin de se dire les choses. On savait que j’agirais de telle manière et moi je savais que mon supérieur hiérarchique agirait de telle manière. Et ça fait gagner du temps. C’est-à-dire qu’en fait, plutôt que de mettre des mois, des années pour faire quelque chose, dès lors qu’on sait et qu’on a confiance dans ce que l’autre sait, et dans ce que l’autre va faire, la notion de coopération devient un élément fondamental pour pouvoir agir ensemble et réussir. Et en fait, il existe des mots qui sont des maîtres mots. Le mot confiance, le mot relation, le mot proximité, le mot temporalité. Et le mot coopération. Si on a une confiance réciproque, et si par contre on ne l’utilise pas pour coopérer, ça ne vaut pas le coup. 


TMI : Comment avez-vous connu TMI ?

PN : Par l’intermédiaire de mon directeur de GRDF, Laurence Hézard, qui est membre du Conseil scientifique de TMI. Comme je suis Directeur Gestion des carrières auprès d’elle, elle m’a invité à une des réunions de TMI. Et ce sujet m’a passionné. Parce ça correspondait à notre façon de travailler ensemble. C’était une manière de conscientiser une façon de travailler ensemble, et dont on n’avait jamais parlé. On avait également d’autres activités avec Stratorg, avec qui on travaille depuis plusieurs années. La confiance, c’est un thème qui me passionne. Et qui détermine l’ensemble de mon parcours. Aussi bien dans ma vie professionnelle que dans ma vie privée. La notion d’ami pour moi, est capitale. Et ça rejoint la notion de confiance. 


TMI : Une crainte, un espoir pour l’avenir ?

"Que la société retrouve des repères"
PN : D’une manière générale, ce que je ressens c’est que l’homme est de plus en plus imprévisible. Prenons l’exemple de cette agression mortelle contre un soldat britannique survenue récemment à Londres. C’est extrêmement choquant. Autre exemple : en voyant tout à l’heure des enfants aller à l’école, j’ai repensé à cet homme qui est allé se suicider dans un établissement scolaire parisien. Ce type de comportement amène à ressentir de l’incertitude. Je n’arrive pas à m’expliquer que l’homme puisse en arriver là. Et donc ma crainte de l’avenir, c’est que surgissent des individus comme ça, c’est le côté surprenant de l’homme. Il faut qu’on en revienne au système de valeurs. Je pense qu’il faut travailler autour des valeurs. Et ce serait mon espoir. Travailler sur la culture, les valeurs, la société et revenir aux fondamentaux. Je pense que les gens sont en train de s’écarter à nouveau de ce qui pourrait les guider. L’homme a besoin d’être philosophe et d’avoir des repères. Ces repères, on les perd. Ma crainte c’est que ce soit définitivement perdu. Et donc mon souhait c’est que la société retrouve des repères qui guident l’action de chacun.

Propos recueillis par Philippe Quillerier
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